Un projet de mise en valeur sur le temps long

Le nord de la Charente présente une très importante concentration de monuments mégalithiques, on en compte près de quarante.

Contrairement à la Bretagne, qui a fait des dolmens et menhirs un puissant symbole identitaire et touristique, les mégalithes du Ruffécois ont été longtemps méconnus des spécialistes comme des habitants, peu voire pas mis en valeur et menacés de disparition pour certains.

Un grand projet est alors engagé en 2009. Il fédère archéologues, services de l’État (Direction Régionale des Affaires Culturelles – DRAC Poitou-Charentes), collectivités territoriales, propriétaires des sites et acteurs politiques autour d’un projet global de recherche, de préservation et mise en valeur de ce patrimoine néolithique pour en faire un vecteur de rayonnement et de développement territorial.

En 2015-2016, les services de la DRAC (Conservation Régionale des Monuments Historiques – CRMH et Service Régional de l’Archéologie – SRA) se lancent dans un premier volet de mise en valeur du patrimoine mégalithique relevant de sa propriété directe : tumulus de la Justice et du Gros Dognon, inscrits au titre des Monuments historiques par arrêté du 19 octobre 1960, le Vieux Breuil, inscrit le 8 janvier 1962, et le Petit Dognon, inscrit le 13 septembre 1912.

Les objectifs immédiats sont la sécurisation et le traitement du couvert forestier des tumulus. C’est le tumulus du Vieux Breuil qui est choisi pour inaugurer les travaux d’aménagement en 2016.

Une nécropole mégalithique d’importance européenne à Tusson

La nécropole mégalithique de Tusson se compose d’un alignement de cinq tumulus, formé de deux monuments circulaires encadrant trois longs tumulus de pierre, des cairns, disposés sur une ligne de crête d’axe nord-est/sud-ouest à une altitude de 130 m. On distingue, du nord au sud :

• la Justice : 20 m de diamètre ;
• le Petit Dognon : 85 x 26 x 4 m ;
• le Gros Dognon : 139 x 38 à 50 x 10 m ;
• le Vieux-Breuil : 55 x 12 à 17 x 4 m ;
• le Magnou (17 m de diamètre

Ensemble mégalithique d’importance européenne par la conservation et les dimensions exceptionnelles de ses tumulus, la nécropole mégalithique de Tusson reste encore méconnue. Mentionnés dès la fin du xix^e siècle par Auguste-François Lièvre (1883), ces monuments n’ont étonnamment jamais bénéficié d’explorations archéologiques avant les travaux récents engagés en 2015 dans le cadre du projet collectif de recherche (PCR) dirigé par Vincent Ard (CNRS, UMR 5608, Toulouse), « Monumentalismes et territoires au Néolithique entre Loire et Charente. Formes et environnements des mégalithes et des enceintes », et soutenu par la DRAC Nouvelle Aquitaine et le département de la Charente.

Contrairement à l’époque néolithique où ces gigantesques buttes calcaires émergeaient d’un paysage moins ouvert qu’aujourd’hui, les tumulus de Tusson apparaissent aujourd’hui sous forme de bosquets dans de grandes parcelles cultivées. Les images obtenues grâce à un couvert LiDAR par drone rendent compte de la morphologie de ces monuments qui semblent fossilisés sous le couvert végétal actuel. La dysmétrie de leur plan au sol est intentionnelle, les bâtisseurs ayant cherché à jouer sur des effets de perspective.

En dehors des fouilles engagées sur le tumulus du Magnou (2019-2024), le plus petit de la nécropole dont la chambre funéraire était déjà détruite au XIX^e siècle, et d’une reprise de la coupe ancienne du cairn du Petit Dognon (2020), sous la direction de Philippe Gouézin, il ne semblait pas raisonnable d’engager la fouille de l’un de ces gigantesques monuments.